Trouver un nom de domaine disponible : le Graal du Naming moderne.
Le temps des noms de marques à la prononciation transparente et lisible s’essouffle lentement, s’inclinant devant le mot deviné. Critizr, Ovrsea, Shapr ou encore Widr sont des marques inspirées de mots existants qui voient une ou plusieurs de leurs voyelles s’évaporer.
User de techniques pour trouver un nom de domaine.
Comme souvent, cette tendance naming naît de la volonté de libérer un nom de domaine en .com, l’extension la plus répandue dans le monde. C’est la perle rare que beaucoup convoitent encore, notamment pour stimuler le référencement naturel. Cette tactique succède à la déformation orthographique (Rouje de Jeanne Damas, la start-up Wynd) ou encore au redoublement des voyelles : Kleen ou encore Nestenn. Par exemple, les noms de marques à double O ont fait fureur il y a quelques années : Yahoo, Google, Deliveroo.
La garantie d’être lu plutôt deux fois qu’une.
Ce jeu des disparitions engendre un mécanisme complexifié, ralenti, comme si le nom accrochait le lecteur, un instant à peine, le retenant de la manche, car l’individu, noyé dans un flot d’informations, reconnait plus aisément un regard déjà croisé.
A l’origine de ces noms de marques, plusieurs tendances.
Noms sans voyelles et développement international ne font pas toujours bon ménage.
D’autres noms de marques dépassent ce phénomène et se rapprochent d’une forme siglique. L’agence de communication MNSTR, dont le nom se prononce comme le substantif « monstre », invite le public à deviner, et plus encore, à participer au nom de la marque. C’est un peu comme on jouerait au Pendu. Si ce mode de lecture se veut ludique pour un public francophone habitué au système vocalique, il est inhérent aux alphabets consonantiques, comme les alphabets arabe et hébraïque. Ces derniers impliquent d’emblée une connaissance de la langue, les voyelles étant implicitement dictées par la phonologie. Cette tendance évacue donc les marques issues de néologismes parce qu’elle repose sur un socle de connaissances commun, entraînant une forme de complicité avec le lecteur.
S’inspirer des usages des utilisateurs.
La forme consonantique de ces nouveaux noms de marques s’inspire d’alphabets ancestraux mais aussi d’un mode de lecture bien plus récent qui provient des réseaux sociaux. Pour éviter d’être traqués, retrouvés par leurs collègues de travail ou le géant Google, certains utilisateurs de Facebook, Twitter, Instagram, ont éludé les voyelles de leur nom de famille lors de l’inscription. Ceux qui suivent ces comptes ont donc un statut privilégié. Par analogie, la marque semble trier ses consommateurs, stimuler le désir d’appartenir au cercle de connaisseurs et instaurer une relation de confiance.
Au delà du nom de domaine, le branding de marque.
La marque de bijoux anglo-saxonne SVNR pour « souvenir », contrairement à MNSTR, se prononce comme un sigle, une série de lettres. L’épuration du mot offre une contemporanéité et illustre une volonté de dépoussiérer le souvenir, portée par la créatrice Christina Tung. La marque va plus loin car cette fois-ci, ni l’écriture, ni la prononciation n’évoque le sens. En somme, c’est un témoignage du passé, caché, enfoui, sous une apparente modernité. Ce contraste entre fond et forme rend la marque différenciante et annonce l’originalité des produits.
L’effacement des voyelles est une piste de création qui peut être intéressante quand elle suppose une orientation branding. Aussi, il est nécessaire de veiller à ce qu’elle ne représente pas uniquement le moyen d’accéder à un nom de domaine. L’influence des cultures et des évocations digitales offre un terrain de jeu riche pour celui qui désire construire une identité de marque singulière et cohérente.
Nina Derai