Un nom porteur de sens, ancré dans la culture du client, mémorisable et aisément prononçable, cela se travaille. Les conseils d’un expert pour débusquer la dénomination parfaite… et la protéger.
Choisir un nom est l’une des nombreuses démarches préalables à la création d’une entreprise. Mais attention à ne pas le négliger, car une marque porteuse de valeur pour le public sera le premier support marketing de l’entreprise. Cyril Gaillard, fondateur de l’agence Bénéfik, spécialisée dans la création de noms de marques, détaille la marche à suivre pour trouver le nom idéal.
1- Rédiger un cahier des charges
La première étape va être de constituer un cahier des charges comprenant vos attentes et besoins :
> Quel est votre secteur d’activité ?
> Quels sont les segments de marché privilégiés ?
> L’entreprise va-t-elle se développer à l’international ? Si oui, dans quels pays ?
> Quel est votre positionnement marketing ?
> Quelle image de marque recherchez-vous ?
> A qui vous adressez-vous ?
> Comment s’appellent vos concurrents ? (Le nom est un élément de différenciation)
> Quel est votre budget de communication ?
> Quel plan de communication avez-vous prévu ?
« La règle absolue est la suivante : il ne doit pas y avoir de risque de confusion dans l’esprit des consommateurs. »
Cyril Gaillard, Bénéfik
Cette phase décisive permet d’orienter votre recherche vers plusieurs axes : la modernité, le dynamisme, la féminité, le sérieux, etc.
Les limites budgétaires ne sont pas négligeables car certains noms vont nécessiter une communication plus importante pour prendre tout leur sens. Pour Orange, par exemple, le niveau de couverture publicitaire a été un facteur clef pour transformer ce mot relativement neutre et peu significatif en nom de marque évocateur. Si l’on ne dispose pas de tels moyens, mieux vaut opter pour un nom intrinsèquement attractif et explicite.
2- Inscrire son nom dans une culture donnée
Le nom d’une entreprise évolue au sein d’une société et ne peut être pensé sans cet environnement. Selon Cyril Gaillard, il faut être attentif « aux évocations de l’imaginaire public ». C’est-à-dire faire attention aux images et souvenirs que va évoquer un nom. Cette précaution peut paraître évidente mais le sera nettement moins lorsqu’il s’agira de développer son activité à l’international. Certains noms très convenables vont se révéler connotés ou carrément vulgaires dans d’autres pays. « Je pense à une marque de vêtement japonaise implantée en France dénommée Konass. C’est un bel exemple de ce qu’il ne faut pas faire », souligne Cyril Gaillard.
3- Créer du sens
Aucun nom n’est neutre. Même s’il est important de rester sincère et d’aligner le nom de l’entreprise avec ses valeurs et les produits conçus, on va utiliser le pouvoir évocateur du nom pour donner l’image souhaitée. Quitte à jouer avec les clichés. « Un constructeur en électroménager va privilégier un nom à consonance allemande plutôt que chinoise car les produits allemands sont associés à la robutesse. L’Italie c’est le design. Et si l’on souhaite inclure une touche anglo-saxonne, on pourra ajouter Group à la fin de son nom. »
La sonorité même du mot fait partie des aspects à étudier, en particulier pour les noms abstraits. Elle peut être plus ou moins dynamique, douce, imposante, etc. A partir d’une même racine, un mot peut être modifié pour lui donner une personnalité différente. Une limite toutefois : le nom de marque doit rester aisément prononçable et surtout être instantanément mémorisable.
4- S’inspirer de son histoire
Plus facile à dire qu’à faire lorsque l’entreprise sort tout juste des cartons. Le nom de l’entreprise a longtemps été cantonné à celui de son fondateur. « C’est un peu l’artiste qui signe sa création », explique Cyril Gaillard. Aujourd’hui le mode de production est plus industriel et l’économie de services nous a fait basculer dans un monde immatériel. Pour humaniser son image, on peut alors recourir à un nom fictif comme le fameux « Alice » (services Internet) ou « Les secrets de Pauline » (biscuits). Certaines marques continuent de jouer sur le nom de leur ancêtre pourtant disparu (Mamie Nova, Charles Gervais). Une personnification synonyme de proximité et d’écoute ou de tradition.
L’histoire de l’entreprise peut se retrouver ailleurs que chez son concepteur, comme par exemple dans son implantation géographique, l’origine de son produit, etc.
5- Oublier les sigles
« Dans le secteur privé, le sigle est obsolète », assène Cyril Gaillard. Les seuls domaines dans lequel il est encore utilisé sont les administrations et certaines industries à hautes technologies. Ainsi dans le milieu médical, le sigle, du fait de son sérieux, rassure.
6- Tester son nom
Quand la short list contenant les noms possibles est établie, il est recommandé de les tester afin de dégager une préférence ou d’écarter les noms les moins efficaces.
Pour cela, des réunions sont organisées avec un échantillon représentatif de la cible (la clientèle mais aussi éventuellement les fournisseurs et les salariés). La liste leur est communiquée et il leur est demandé de répondre à plusieurs questions telles que :
Si ce nom était un animal ce serait…?
Que vous évoque ce nom ?
Diriez-vous de ce nom qu’il est plutôt moderne, classique ou traditionnel ?
Une fois la batterie de questions posée, on obtient un aperçu fiable de l’image donnée par les noms potentiels. Cette étape est décisive car elle est préalable à tout investissement financier. « Si le nom ne convient pas, il faut absolument s’en rendre compte avant de lancer son plan de communication », prévient Cyril Gaillard.
7- Vérifier la disponibilité du nom
« Qui sait que Aubade est également un constructeur de salles de bains ? » Deux noms identiques ou très proches ne sont pas interdits tant que le secteur d’activité diffère largement. Mais il faut être extrêmement précautionneux.
« Si le nom ne convient pas, il faut s’en rendre compte avant de lancer son plan de communication. »
« La règle absolue est la suivante : il ne doit pas y avoir de risque de confusion dans l’esprit des consommateurs », explique Cyril Gaillard. La loi prévient les entreprises contre la concurrence déloyale, le parasitisme et le détournement de clientèle. Il est donc interdit de prendre un nom rappelant celui de son concurrent. Lorsque la short list est fixée, il faut donc faire une recherche sur les marques existantes à l’identique mais également proches. A cette fin, il existe des logiciels qui testent toutes les combinaisons possibles en faisant varier deux ou trois lettres d’un nom donné. Cela vous évitera de travailler plus avant sur un nom inutilisable.
8- Déposer sa marque
Une fois la décision prise, le nom fait l’objet d’une déclaration obligatoire au greffe lors de l’immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés. On obtient ainsi automatiquement un droit d’usage sur la dénomination de la société.
Pour une exploitation plus large de votre nom en tant que marque sur les produits et conditionnements, vous pouvez déposer le nom de votre société en tant que marque de commerce, de fabrique ou de service auprès de l’INPI. Dans ce cas, il faut déterminer le nombre de classes, représentant les différents secteurs d’activité, sur lequel on protège la marque. Il en existe 45. Le coût de dépôt d’une marque sur une, deux ou trois classes est de 225 euros minimum pour une protection de dix ans sur l’ensemble du territoire national. Il faut compter 40 euros pour chaque classe supplémentaire.
Le protocole de Madrid permet ensuite de protéger son nom de marque à l’international (dans les 75 pays signataires). Dans ces Etats, une procédure similaire est appliquée et la durée de la protection obtenue est de vingt ans. Pour 850 euros, il est également possible de déposer, suivant une formule unique de dépôt, une marque communautaire protégée sur l’ensemble des pays de l’Union européenne.
9- Y associer un nom de domaine
Au nom à proprement parler s’ajoute la question de la disponibilité du nom de domaine attaché, c’est-à-dire l’adresse de votre site Internet. « Cela entraîne une difficulté supplémentaire », commente Cyril Gaillard. Il existe en effet déjà 53 millions de noms de domaines déposés. Autrement dit, le marché est saturé et il devient délicat de trouver un nom libre sur le net. Selon notre spécialiste, l’idéal serait d’avoir un nom générique, « meuble.com » par exemple, qui apparaîtrait pour toute recherche sur le sujet. A défaut, on peut opter pour une marque composée d’un nom commun auquel on a apposé une extension (« Meubleo » pour le même exemple). Si le nom de domaine désiré s’avère stratégique, il peut valoir de l’or. Une autre solution consiste à rechercher un nom très précis, correspondant exactement à votre activité et générant un trafic plus ciblé. Si vous comptez utiliser Internet pour vous faire connaître, attention donc à éviter les noms abstraits.
10- Ne pas oublier la signature
Un dernier point soulevé par Cyril Gaillard : « certaines entreprises oublient qu’il faut également déposer leur signature. » La signature ? C’est le slogan parfois attaché au nom de l’entreprise et qui figure sur tous les supports de communication, du papier à lettres au site web. Autant dire que si cette dernière est déjà sur le marché, il vous coûtera tout aussi cher d’en changer que s’il s’était s’agit de votre nom de société.
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